Existe-t-il une réelle « concurrence » entre le commerce traditionnel et une coopérative ? (détail ici)

De facto assez peu. C’est d’ailleurs une difficulté rencontrée dans la rédaction des « Plans d’Activité Prévisionnels » exigé par les partenaires financiers : ils pensent en simple question de rapport qualité / prix des produits or ce n’est pas un argument majeur.

Les coopérateurs d’une coopérative recherchent un qualitatif sociétal d’un autre type :

  • la confiance dans leur coopérative parce qu’ils côtoient des coopérateurs comme eux, parce qu’ils peuvent intervenir sur la commission « Achats », etc. Parce que la gouvernance exercée est la leur et que leur voix compte à égalité de celle des autres (c’est une personne une voix, et non plus un euro une voix) : cela ils ne l’obtiendront pas ailleurs.
  • le respect collectif, écologique : ils sont sincèrement conscients de l’importance de la question écologique et voient dans la coopérative un engagement, un acte positif : manger moins mais manger mieux, éviter le gaspillage, le suremballage etc. Ailleurs aussi parfois ? Peut-être mais à la coopérative il ne s’agit pas de « verdissement opportuniste » mais d’une raison d’être, une façon de vivre.
  • la perspective de faire des achats dans un contexte amical, de complicité partagée, où le temps a de la valeur, les saisons aussi. On allait au marché dans l’ancien temps pour discuter sur les places de village, ça s’est perdu, ça se retrouve.
  • le plaisir de l’entraide, de la complicité, de la confiance dans l’autre. Faire ses courses n’est pas forcément un grand moment de joie, mais dans une coopérative c’est valorisant, c’est un acte de sociabilité et pour tout dire assez joyeux. Quand une équipe de La Louve qui finit à 23h se retrouve jusqu’à 1h du matin au bistrot, c’est qu’il se passe autre chose que de la simple mise en rayon.

Ce mélange de rationalité et d’affectif ne s’évalue pas simplement en termes « monétaires ». Les coopérateurs sont exigeants mais aussi compréhensifs à l’égard de « leur » magasin, pas forcément aussi bienveillants à l égard d’un lieu impersonnel où ils ne sont qu‘une « source de profit ».

  • Ceci ne suffira pas si la coopérative ne fait pas face aux attentes des coopérateurs mais empêche de penser en termes de stricte concurrence locale.
  • C’est bien entendu une façon de voir parfois inaccessible à la pure vision marchande : mais, même dans le secteur marchand classique, beaucoup aime (ou pas) « leur » boulanger, apprécie au marché « leur » fromager et pas celui d’à côté… Les commerçants les plus désagréables avec leurs clients sont aussi les plus enclins à se plaindre de la concurrence, quand dans bien des cas c’est la complicité avec leurs clients qui fait défaut. Ne dit-on pas d’un vendeur sympathique qu’il est « bon commerçant », simplement parce qu’il va savoir être à l’écoute de sa clientèle, de ses attentes, de ses coups de cœur, de ses déceptions.

D’un côté une coopérative n’est absolument pas en concurrence avec le petit et grand commerce local, parce qu’uniquement accessible à ses coopérateurs, mais de l’autre côté son approche affective bouscule les strictes règles du rapport qualité / prix au-delà de sa zone de chalandise naturelle.

N’oublions pas un ordre de grandeur : si les supermarchés coopératifs couvraient tout le Val-de-Marne de telle façon que tout habitant serait au plus à 3km d’un tel établissement, ce concept capterait … 2% du marché ! Pas de quoi créer une rupture de mode de distribution, ni de mettre en danger d’aucune façon le commerce local de centre-ville : l’ouverture d’une seule nouvelle grande surface a un impact bien plus important que celle de 10 supermarchés coopératifs.